mardi 8 mai 2012

L'Empire Invisible de Jérôme Noirez

Titre : L'Empire Invisible

Auteur : Jérôme Noirez

Editeur : Gulf Stream

Collection : Courants Noirs

Date de parution : 18 sept. 2008

Prix : 12,50€

Pages : 219 

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Mon ressenti :


Le résumé : 

Caroline-du-Sud, 1858.
Dans le comté d’Anderson, près du fleuve Savannah, des esclaves noirs triment dans les champs de coton de la riche famille Wingard, s’éreintant sous le soleil d’un été caniculaire. Parmi eux, une jeune fille Clara Walker, qui supporte sans rien dire cette vie de labeur et d’humiliations. Jusqu’à cette terrible nuit où de mystérieux cavaliers s’en prennent à son père. Désormais, Clara ne vivra plus que pour la vengeance, quitte à s’allier, pour atteindre son but, à un psychopathe aussi dangereux qu’incontrôlable.
Elle se retrouvera au cœur de l’Empire Invisible, là où, dans la folie et l’ivresse du sang, l’homme redevient un prédateur. Un monde où la mort semble être la seule issue possible.

Mon avis :

L'empire Invisible est le premier roman que j'ai lu de Jérôme Noirez et une fois refermé, je peux dire maintenant que pour un premier que je lis de l'auteur il m'a pas mal secoué... et même bouleversé. Il faut dire que l'auteur aborde dans son livre un sujet plutôt sensible : la traite des Noirs aux Etats-Unis dans les années 1860 sous une intrigue qui serait en fait un prétexte pour faire passer son message (ce qu'il a parfaitement réussi si c'est le cas). Il est impossible de pouvoir passer à une autre lecture aussi facilement que d'habitude après avoir lu un tel roman qui nous prend aux tripes et nous impose des réflexions lourdes et dures sur le sujet. Avec une héroïne qui nous transporte dans son univers sombre, baigné par la condamnation d'être un esclave toute sa vie et où sa raison semble ne plus tenir qu'à un fil, il est impossible de le lâcher une fois que l'univers s'est mis en place et que l'intrigue fait son apparition.

Dès les premières pages l'auteur nous plonge dans un univers très sombre, habité par la pauvreté, la misère, et l'esclavagisme. De simples mots direz-vous ; mais qui sont très difficiles à encaisser et surtout à vivre pour le lecteur où l'atmosphère en devient carrément oppressante au bout d'un certain temps. S'il y a d'ailleurs une chose dont il pourrait avoir envie dès le départ c'est de fermer le bouquin et le poser très loin de lui en essayant de l'oublier tellement les descriptions sont dures mais réalistes. C'est la plume de Jérôme Noirez qui nous parle... mais avec beaucoup de violence que quelques fois elle devient difficile à subir.

Le style de l'auteur parvient à retenir toute l'attention du lecteur dès les premiers instants avec ses descriptions terrifiantes sur la dure vie d'un esclave (sans oublier la torture) et les conditions de travail qui vont avec. De mon point de vue, c'est cet élément qui insuffle de la vie au livre et du réalisme.

Selon moi, le roman aurai pu être divisé en 3 parties car celles-ci se distinguent selon les situations dans lesquelles se trouve à chaque fois notre personnage principal (son état physique et moral). Il est vrai que pour ces trois parties, divers éléments pourraient-être considérés comme principalement abordés.

Dans la première partie, l'ambiance est oppressante et difficile à subir pour le lecteur avec notamment les descriptions sur ce que j'appellerai "la déshumanisation" des Noirs. Bien que cette partie soit assez dure à vivre pour lui, une certaine routine est présente ; cela fait peur à dire mais on s'habitue aux conditions de travail atroces de tous les personnages y compris Clara. Le côté noir du livre reste encore tapi dans l'ombre
Dans la seconde partie, le roman prend une tournure inespérée (même si l'on imaginait bien que quelque chose viendrait rompre la routine) lorsque l'évènement tragique arrive et bouleverse tous les esprits (notamment celui de Clara). Un moment très précis du livre, qui pour moi introduit la descente aux enfers pour tous les personnages du roman. L'ambiance est à ce moment-là palpable, et on sent à la fois une mélancolie profonde et une soif de vengeance qui grandit incommensurablement dans le cœur de notre héroïne.
Dans la troisième et dernière partie, le côté thriller du roman surgit. Le lecteur assiste à un véritable bain de sang qui certes peut choquer les âmes sensibles mais qui donne au roman tout son charme ?! de mon point de vue.

L'univers prend le temps de s'implanter dès les cinquante premières pages ce qui m'a assez ennuyé je l'avoue (étant impatient de nature). Mais après avoir lu le livre, je pense avec certitude que cette partie du roman était indispensable pour servir au lecteur la base de l'intrigue, et qu'ensuite avec le temps s'ajoutent petit à petit des ingrédients qui lui font prendre un tout autre sens.

Les personnages de ce roman sont divisés (et condamnés à vie) dans deux catégories selon leur statut social : l'esclavagisme et la "noblesse".
Du côté de l'esclavagisme, on sent bien que malgré les conditions de vie difficiles des Noirs, il y avait un esprit de solidarité et des amitiés qui se créaient rapidement.
Ce qui est très différent du côté de la noblesse, où chaque personnage est pratiquement isolé et où l'amitié est assez répugnante (quand on voit notamment ce que certains sont prêts à faire de sang-froid) avec leurs jeux morbides. On sent une certaine fragilité qui pourrait les désunir et il y a également un certain égoïsme qui se fait ressentir envers les Noirs, mais certains (qui sont très peu nombreux) éprouvent de la pitié pour eux.

Clara, notre héroïne nous est présentée comme une adolescente Noire de peau qui n'a pas toujours eu la vie rêvée (en grande partie à cause du racisme). Elle nous est décrite comme souffrant de son statut d'esclave et croyant en Dieu comme en un espoir de liberté. Malgré les cadeaux que lui fait la mère du foyer des "nobles", elle est méfiante envers cette classe populaire qui exclut les Noirs de la société.
On assiste dès le départ à son dur travail d'esclave qui peu à peu devient insoutenable suite à l'arrivée de l'intrigue. A partir de ce moment-là ressort sa fragilité, elle devient impassible et taciturne. Mais au fond d'elle, ce qui nous terrifie c'est ce deuxième cœur qui fait son apparition en elle et qui est alimenté par sa soif de vengeance.
A partir de ce point là, Clara va connaître une véritable descente aux enfers où la vengeance de son père va être sa seule préoccupation et où son changement de personnalité va devenir perceptible. Une évolution qui fait froid dans le dos, quand on voit ce dont elle est capable pour accomplir sa vengeance. Mais ce qui est "bien", c'est que malgré ses yeux qui veulent voir du sang gicler, on sent que sa vraie personnalité est toujours présente (surtout lorsqu'elle va se rendre compte de l'ampleur des dégâts).

L'intrigue du roman est toute simple et sans prétention. Si on regarde de bien près, elle n'est pas vraiment mystérieuse (mis à part quand elle fait irruption et que les suspects sont nombreux) car le(s) coupable(s) sont très vite présentés au lecteur et c'est à ce moment-là où le livre pourrait perdre son intérêt. Eh bien, que nenni ! L'enquête continue toujours du point de vue de notre héroïne et quand celle-ci aboutit à quelque chose, arrive très rapidement une fin où l'action (et la pure) est bien là !

S'il y a juste une chose que j'ai à reprocher à ce roman c'est l'explication du titre. Celle-ci nous est donnée très rapidement mais j'avoue que je n'ai pas vraiment saisi son sens. Qu'est-ce que c'est vraiment « L'Empire Invisible » mis à part une image (et non un lieu, je le précise) et pourquoi Clara se retrouve-t-elle dedans ? Des questions qui sont pour moi très importantes au vu du titre du livre et des comparaisons qui sont faîtes tout au long de la lecture, et qui restent sans réponses pour le moment.

Les points positifs : un style pur, simple et pertinent qui ne tourne pas autour du pot, des descriptions qui ajoutent du réalisme au roman, un univers qui prend le temps de s'implanter, des personnages divisés en deux camps bien distincts qui se font face au bout d'un certain temps avec chacun sa personnalité et son caractère, une héroïne très forte et symbolique mais qui a aussi des faiblesses, une intrigue simple qui se suffit à elle-même.
Les points négatifs : une explication du titre du livre que je n'ai pas vraiment compris.

La fin est absolument sensationnelle ; digne d'un excellent thriller ! Que d'action et d'adrénaline ! Jérôme Noirez ne fait pas les choses à moitié puisqu'on assiste à un véritable bain de sang, un suspense intenable et une peur absolue ! Une très belle conclusion pour un roman poignant.

En conclusion, L'Empire Invisible est le premier roman que j'aie lu de Jérôme Noirez, et il ne sera sûrement pas le dernier ! Le style parvient à aborder un sujet difficile avec dureté mais avec une sensibilité visible, l'univers prend le temps de s'implanter pour ensuite laisser place à l'intrigue, les personnages sont divisés en catégories au début du livre, mais éparpillés à la fin. Clara est une héroïne comme on les aime, forte par sa détermination mais faible dans son esprit. La seule chose que je regrette c'est donc de ne pas avoir saisi le sens du titre.
Un roman bouleversant.

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